Extrait de la nouvelle "Perpétuité pour Sergueï Izarevich"

L'homme qui marche d'un bon pas n'a pourtant pas l'air pressé. Il porte toujours le même loden sans couleur qui dissimule sa silhouette. Au bout de ses mains gantées, un cartable en cuir fauve se balance. Ce matin-là, la neige a durci. Il contourne un pâté d'immeubles sur les trottoirs verglacés. Une chapka épaisse le protège de l'air vif. Le soleil pointe le bout de son nez au-dessus des dômes étincelants de la Place Rouge. Des strates de nuages turquoises donnent la réplique à un ciel écarlate. Sergueï Izarevich pousse la porte cochère et s'engouffre sans bruit dans un long couloir. Avant, il s'assure de ne pas avoir été suivi. Son stratagème est redoutablement efficace. Il ouvre une autre porte pour ressortir dans une rue parallèle. Il croise quelques passants frigorifiés, tête basse, la démarche mal assurée. Puis, après une demi-heure, il franchit le seuil d'une maison de quatre étages. Le centre de Moscou est déjà loin.
- Comment allez-vous Irina ?
- Bien, monsieur Izarevich.
- Je descends aux archives. Personne ne me dérange, n'est-ce pas ?
- Comme d'habitude, monsieur Izarevich.