Extrait

Malgré les rues inondées, les boutiques fermées, nous sortons l'après-midi. Nos parapluies dégoulinent au-dessus de nos silhouettes penchées. L'écho de l'averse rebondit sur leur toile noire. Nous croisons des amis, des voisins. C'est la période de la mousson ; inquiets de la montée des eaux, nous allons vers le fleuve. Comme une barrière inespérée, il marque la frontière avec les bas quartiers. Les anciennes maisons ont depuis longtemps les pieds dans l'eau. Leurs jardinets ont disparu sous un épais limon orange. Des senteurs de vase mêlées à la pourriture des jasmins remontent vers nous, les promeneurs du dimanche. Les hibiscus se traînent, hideusement dépouillés, tentant de surnager. Des bois fendus arrachés aux terrasses flottent, pilotis partant à la dérive. Ce cortège silencieux, grouillant de détritus, s'amoncelle sous les piles du pont. De dangereux tourbillons se forment dans un bruit de gargouillis.